dimanche 22 janvier 2017

CINEMA DE MINUIT - L'EFFEUILLAGE DE FEUILLERE...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 45 (ou un peu plus tard à cause des sottes primaires du PS), sur F3,  suite du cycle Lucrèce Borgia avec le Lucrèce Borgia (1935) d'Abel Gance...


Pour ce grand cinéaste écorché vif qu'était Abel Gance, les années 30 furent un calvaire.
Elles devaient pourtant commencer avec une oeuvre grandiose, que son auteur, pour son premier film parlant, voulait prophétique : La Fin du Monde...


 Ce film coûteux ; dans lequel Gance avait mis toute son énergie, fut un fiasco critique et public. Du jour au lendemain, la Gloire Nationale qui avait signé J'accuse et La Roue devint un paria, dont tous les producteurs refusaient les projets.
Pour survivre, ou, comme il le disait avec son emphase habituelle, "pour ne pas mourir", Gance accepta alors une multitude de projets clés-en-main, qu'il filmait souvent avec désinvolture, les producteurs marlous se servant de son nom pour donner du chic à des projets qui n'en avaient pas.
Lucrèce Borgia est de ceux-là.
A l'origine, un scénario roublard de Léopold Marchand et Henri Vendresse , qui compile tous les ragots existant autour des Borgia , et se plaît à enchaîner les scènes à faire pour titiller le public : ripailles, orgies, viols, et bien évidemment la toilette de la dame, nous y reviendrons.
Qui plus est, le film ne dispose pas de beaucoup de moyens, et ça se voit. Pour compenser, le production bétonne la distribution : des vedettes de théâtre (Maurice Escande, Aimé Clariond, Roger Karl), de jeunes espoirs (le futur écrivain Philippe Hériat, ou Josette Day, qui deviendra La Fille du Puisatier de son mari Pagnol), qui, ici, apparaissent un peu en roue libre, Gance n'étant pas réputé pour la finesse de sa direction d'acteurs.
La présence insolite du cher mais excessif  Antonin Artaud, dans le rôle exalté du moine Savonarole, n'arrange pas grand'chose .
Ce qui n'est rien à côté de la magistrale erreur de distribution que constitue le choix de Gabriel Gabrio pour incarner César Borgia, le frangin dégénéré de Lucrèce.


Ce serait exagéré d'écrire que Gabrio a toujours été mauvais. La preuve, c'est qu'il y a des films où il est moins mauvais que d'autres. Notamment ceux où il parle pas. Car si cet acteur massif a une véritable présence à l'écran, il joue redoutablement faux. Il joue faux dans Pépé Le Moko, dans Les Croix de Bois, et surtout dans Regain, de Pagnol, où , comble, il joue faux face à Orane Demazis, qui joue pas très juste non plus, ce qui donne un résultat vertigineux...
Ici, il charge son monstre de façon démesurée, hurlant, bâfrant, donnant à ses scènes des airs de parodie jouée sous coke .
Et Lucrèce, me direz-vous ?
Eh bien, Lucrèce, elle est jouée , figurez-vous , par une femme qui deviendra une des Grandes Dames du Théâtre Français : madame Edwige Feuillère...

 Avant....


Après...

La métamorphose théâtrale ne se produira vraiment qu'après l'Occupation , et les grands rôles au cinéma, qui resteront rares, n'arriveront qu'à l'orée de la guerre. En attendant, comme toutes les actrices débutantes,  et quoique pensionnaire de la Comédie Française, madame Feuillère prend ce qu'on lui donne. Et comme elle est fort bien faite, on la retrouve dans des vaudevilles médiocres, filmée en déshabillée, voire pire, comme dans cet obscur Monsieur Albert de 1932 :

 
 
Le fait qu'Edwige accepte de jouer nue n'est certes pas un détail pour les producteurs malins du film . En fait, même, tout est là : il s'agit de faire un film sur la dépravation, avec des images de dépravation. Et les dits producteurs ont certainement en tête le film ahurissant de Cecil B.De Mille, Le Signe de la Croix,sorti en 1932,  où Claudette Colbert/Poppée se baigne lascivement dans un bain de lait d'ânesse... 


On verra donc Lucrèce / Edwige faire sa toilette, laissant entrapercevoir, de façon assez chaste pour nos yeux contemporains, mais rare pour l'époque, les formes de son corps. La seule présence de cette scène suffira à garantir le succès du film.
Mais la grande Feuillère est déjà plus forte que cela , et s'il y a quelque chose à sauver du film, c'est bien ses multiples tentatives pour donner de la profondeur et de la sincérité à un personnage et à des tourments écrits à la truelle.

Le film est donc à réserver aux amoureux d'Edwige... et surtout aux amateurs de kitsch !!

Bonus : allez, bande de coquins, voici quelques captures de la scène du bain !





Allez, ça suffit, maintenant !

A plus !

Fred.

Sources :
Roger Icart, Gance et ses films alimentaires, revue 1895.
Raymond Chirat/Olivier Barrot , Noir et Blanc, Flammarion, 2000.








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