mercredi 10 août 2016

CINEMA DE MINUIT - INSPECTONS CLOUZOT...

Bonjour les amis !

Dimanche prochain, à 00 H 25 : Quai des Orfèvres (1947), de Henri-Georges Clouzot...

 La récente restauration de la quasi-intégralité de ses oeuvres est sans doute la raison de cet important cycle consacré à l'un des plus grands , des plus célèbres , mais aussi un des plus controversés parmi les cinéastes français : Henri-Georges Clouzot.


 L'approche non-chronologique du cycle va m'obliger à faire du saute-mouton entre les époques, ce qui est un peu regrettable, mais je vais tâcher, malgré tout, d'être clair.

Pour le film qui nous occupe , nous sommes en 1947. Cette année marque le retour de Clouzot derrière une caméra. Un Clouzot qui revient de loin. Suite au scandale provoqué par Le Corbeau , (qui sera diffusé la semaine prochaine, et sur lequel je reviendrai plus précisément), Clouzot , à la Libération, s'il échappe à la prison, se voit frappé d'une interdiction professionnelle à vie ! 
Mais le soutien acharné de quelques défenseurs (Jeanson, Becker, Pierre Bost), ainsi qu'une volonté gouvernementale de faire table rase, par une amnistie quasi-générale de tous les artisans de cinéma condamnés pour collaboration, permet au cinéaste de lancer un nouveau projet.
Ce projet, ce sera l'adaptation d'un roman policier de Steeman. Une vieille connaissance, Clouzot ayant déjà adapté Le Dernier des Six pour Georges Lacombe,  et L'Assassin habite au 21 pour son premier passage derrière la caméra.
Mais cette fois, l'adaptation sera vraiment très... libre, puisque le cinéaste et son scénariste Jean Ferry avoueront avoir écrit le film... de mémoire ! Ce qui inspirera à Steeman la fameuse remarque : " J'ai toujours eu envie de tirer des romans des films que Clouzot tirait de mes romans..."
En fait, le film ne conserve du livre que le motif de Noël, le peintre jaloux, devenu d'ailleurs un pianiste à l'écran . Pour le reste, c'est du Clouzot pur sucre : noir, désespéré, grinçant, sordide. Et magnifiquement exécuté.
Tout le film n'est qu'une enquête poisseuse dans un univers poisseux : une jeune chanteuse de music-hall, peu farouche (Suzy Delair), fréquente un vieux dégoûtant (Charles Dullin), qui lui fait miroiter des débuts au cinéma... Elle se laisse faire, au grand dame de son mari Noël ( Bernard Blier), et de son amie photographe ( Simone Renant) , visiblement amoureux d'elle. Evidemment, le vieux est tué. L'inspecteur Antoine ( Louis Jouvet), enquête.
Quoique l'on pense du regard que porte le cinéaste sur ses personnages, peu reluisants, l'on ne peut qu'être ébahi par l'excellence de la mise en scène , à tous les niveaux : tous les plans sont d'une rare beauté ( Clouzot et son décorateur Max Douy établissent des dizaines de story-boards, la lumière en noir et blanc d'Armand Thirard est l'objet d'un soin permanent), l'atmosphère est étouffante, et la direction d'acteurs  infaillible.


Louis Jouvet, épuisé par les années d'exil vécues pendant l'Occupation, donne aussi toute sa propre fatigue, sa propre lassitude , à son personnage de flic revenu de tout, et qui n'accorde son affection qu'à un petit mulâtre ramené des colonies...

Le film voit aussi le triomphe de la sensualité agressive, de la vulgarité flamboyante de Suzy Delair, dont la chanson Avec son Tralala assurera le succès du film...


Ce fut un magnifique cadeau de rupture, le couple Clouzot-Delair finissant alors de se déchirer...

En acceptant le rôle de la photographe, ambigüe et malheureuse, Simone Renant trouvait le rôle de sa vie. Condamnée pour presque toute sa carrière aux mélodrames etherés et aux Boulevards de second choix, elle sera pour toujours l'image de l'amour (alors) honteux.


Bernard Blier, imposé par Jouvet, n'aura pas la vie douce sur le tournage , Clouzot lui assénant entre autres une gifle mémorable ! Mais le résultat est là, et le film, de l'aveu même de l'acteur, fait entrer celui-ci dans la cour des grands. Il n'en sortira plus .

Comme toujours, Clouzot bétonne sa distribution, et il serait trop long d'énumérer les seconds rôles / machines de guerre ( Larquey, Bussières...) , qui émaillent son film et à qui il confie, parfois, une ou deux répliques cinglantes.
Car, outre son talent de metteur en scène, Clouzot était également un prodigieux dialoguiste, ce que l'on oublie trop souvent de rappeler.

A sa sortie, le film est un succès. Si communistes et catholiques , qui n'ont pas oublié Le Corbeau, hurlent au cynisme et à la noirceur ( Zola, ce n'est pas Céline, monsieur Clouzot !), la plupart des critiques reconnaissent de bonne grâce l'excellence de l'exercice de style;
Le film remporte d'ailleurs le Grand Prix de la Biennale de Venise.

Clouzot est bel et bien sorti du purgatoire...

Un véritable classique, à voir, à revoir, encore et encore...

A plus !

Fred.

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