lundi 8 juin 2015

CINEMA DE MINUIT (à la bourre) : CETTE PETITE GARCE PORTAIT LE NOM DE MAYA...

Bonjour les amis !

Hier soir, à 00 H 25 sur F3 : Maya (1949) , de Raymond Bernard...


J'ai souvent écrit ici tout le bien que je pensais de Raymond Bernard, réalisateur d'authentiques chefs-d'oeuvre des années 20 et 30, dont une magistrale version des Misérables. Hélas, le film présenté hier soir est plutôt représentatif du déclin de l'auteur et, surtout, de son actrice principale.
Maya est en effet une commande exécutée à la demande de celle qui fut la plus magnifique garce du cinéma français : Viviane Romance.


Entendons-nous bien :le terme employé ici ne préjuge pas de la personnalité profonde de mademoiselle Romance, mais d'un type de personnage , très en vogue dans le cinéma des années 30, et que nul mieux qu'elle n'a immortalisé , à dix ans d'intervalle, et à chaque fois sous la caméra du grand Duvivier : en 1936, dans la mythique Belle Equipe, où elle incarne Gina, celle qui va faire échouer le beau rêve de guinguette d'une bande de copains...
... Et dix ans plus tard, dans Panique, première version de Monsieur Hire, où elle va manipuler, pour les beaux yeux d'un voyou, le pauvre Michel Simon.


Sa plastique généreuse, sa sensualité affirmée, qui la distinguent des gentilles Darrieux ou Morgan, ainsi qu'un réel charisme, en font très vite une des favorites du public. Les producteurs et réalisateurs, fascinés par Gina, vont alors lui donner de nombreux rôles de femmes fatales, où elle va briller, comme dans La Maison du Maltais, de Pierre Chenal (1938)...

Mais Viviane a du caractère sur les plateaux, et elle a (légitimement) peur d'être assimilée aux garces qu'elle incarne. Elle s'improvise alors scénariste et productrice de ses films. Et là, ça se gâte, très vite. Si bien que, sous l'Occupation, ses films sont davantage réputés pour leurs anecdotes de tournage orageux  que pour leurs qualités.
Panique la remet en selle, mais elle ne renonce pas à maîtriser sa carrière et choisit de produire une adaptation d'une pièce de Simon Gantillon, Maya. Cela reste un de ses rôles les plus célèbres, davantage , d'ailleurs, pour les photos de tournage, qui la mettent en valeur , que pour le film lui-même, qui ne fut guère un succès et a beaucoup vieilli.

En effet, nous en sommes ici que dans une resucée, déjà un peu dépassée, de l'histoire de la pute au grand coeur, et au destin malheureux. Il faut dire que la pièce avait été créée en 1924.
On ne sait d'ailleurs trop ce qu'il en reste, tant le film donne l'impression de mixer le réalisme fantastique cher à Prévert et Carné, et alors tombé en désuétude, au réalisme noir, alors en vogue, et lancé par les films d'Yves Allégret et Jacques Sigurd : Manèges, Une Si Jolie Petite Plage...
Du premier genre , les auteurs conservent l'amour du mot d'auteur et de la profusion de personnages. Mais là où dans Quai des brumes, ou les Enfants du Paradis, les destins de chacun s'entremêlent avec élégance et poésie, Maya mêle grossièrement des parcours que seuls une proximité géographique (un tueur en fuite se réfugie, comme par hasard, chez Maya !) semble rapprocher . Les dits personnages, notamment masculins, semblent tous , au mieux immatures, au pire légèrement toqués, y compris le marin amoureux de Maya, dont on ne saura jamais vraiment s'il la confond avec son amour de jeunesse ou pas.
De plus, le pessimisme profond du film, emprunté là au dispositif Allégret/Sigurd, ne convainc pas, tant il paraît fabriqué , et destiné à faire pleurer Margot (déprimée, Maya rencontre évidemment un sucidaire !).
L'artifice de l'ensemble apparaît dans la difficulté qu'éprouvent les acteurs à rendre leurs personnages crédibles. J'ai rarement vu le cher Dalio cabotiner autant ! Les jeunes Jean-Pierre Grenier et Philippe Nicaud incarnent des fantoches, et Inkijinoff, LE comédien oriental français de l'époque (en fait, il était d'origine mongole, mais il pouvait jouer aussi bien des chinois ou  des japonais !) dispense des sentences définitives tout au long du film.
Et si l'on retrouve l'esthétisme cher à Raymond Bernard, ce filmage baroque, ces plans de biais, l'ensemble manque de souffle et de construction.
Reste Viviane. Le projet, très visiblement, est fait pour elle . Dans chaque plan où elle apparaît, la lumière, les costumes, les dialogues, sont étudiés pour la faire briller. Un peu trop visiblement. Elle est belle, elle est juste, mais la mise en scène tient trop à nous le faire savoir.
Le moment le plus émouvant du film est beaucoup plus simple que cela : apprenant la mort de sa fille de trois ans , qu'elle avait abandonnée à la naissance, Maya décide d'aller à son enterrement. Elle passe du temps à s'habiller, puis décide de s'en fiche. Elle part à la gare, se rend compte qu'elle a oublié les fleurs. Elle en achète sur place , va pour prendre son train : elle le rate. Résignée, elle rentre chez elle.
Ce récit d'un quotidien poisseux, d'un aquabonisme viscéral, ç'aurait pu faire un beau film.
Le film marqua la fin de l'Âge d'Or de madame Viviane Romance...


A plus.
Fred.




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