jeudi 21 août 2014

CINEMA DE MINUIT - FILMING OTHELLO...

Bonjour les amis !

Dimanche prochain, 24 Août, à 00 H 40, sur F3 : Othello (1948-52) , de Orson Welles...

Othello, c'est Orson Welles. Entendons-nous bien : non seulement Othello est joué par Orson Welles, mais Othello, le film , résume à lui seul l'intelligence, la détermination , mais aussi la scoumoune, et au bout de tout ça la grandeur artistique de Welles .
Welles décide de porter Othello à l'écran en 1948, alors que même que son précédent Shakespeare, Macbeth, est encore sur la table de montage...


Après une première approche du producteur anglais Alexandre Korda, c'est finalement un italien , Montatori Scalera, qui lui propose de tourner le film à Rome. Après avoir envisagé un tournage en extérieurs, Welles fait appel à Alexandre Trauner, qui lui dessine de somptueux décors, et commence les répétitions... à Paris. Léa Padovani, puis Cécile Aubry, sont envisagées pour le rôle de Desdémone, mais se désistent toutes deux.
C'est alors que Scalera reprend ses billes. C'est le début des ennuis. Pour financer le film, Welles investit ses cachets d'acteur et accepte donc de tourner Le Troisième Homme, Echec à Borgia, et La Rose Noire, dont les extérieurs se font ... au Maroc, qui séduit Orson.
C'est donc à Mogador que le tournage... ne peut pas commencer :  les costumes essayés à Rome y sont retenus, faute de réglement ! Le réalisateur improvise alors une scène : la tentative de meurtre de Cassio, qui, au lieu de se jouer dans une ruelle, se fait dans un bain turc, avec des comédiens juste vêtus de serviettes ! Betsy Blair, nouvelle Desdémone, ne donne pas satisfaction, et est renvoyée, juste avant que tout s'arrête, faute de sous. Nous sommes en Juillet 49.
Fin Aout, retour à Venise, avec une nouvelle Desdémone, et c'est fois, c'est la bonne : Suzanne Cloutier, jeune québécoise que Duvivier vient de révéler dans Au Royaume des Cieux...


Interrompu sans cesse, le tournage se poursuit cahin-caha à Rome, à Viterbe, où est tourné le fameux contrechamp de la scène de la punition de Cassio, dont le champ avait été filmé , des mois plus tôts, à Safi, au Maroc !
Nouvelle panne de sous. Trauner passe la main. Les techniciens aussi valsent gaiement.
Janvier 1950, retour au Maroc, avec une équipe minimum : seuls Suzanne Cloutier et Micheal Mac Liammoir ( Iago) sont convoqués ,  tous les autres comédiens étant remplacés par des doublures !
Plans tournés en muet, très brefs : le tournage principal s'achève enfin en Mai 1950.
Mais ce n'est pas fini. Le montage commence, effectué là où Welles cachetonne pour essayer de finir son film : Paris, Rome, Londres. La précipitation du tournage , et le choix d'une prise de son magnétique, rend une partie de la bande sonore inutilisable : un doublage est indispensable !
Eté 1951 : Welles se voit obligé de présenter un premier montage au Festival de Venise. Mais le son est désynchronisé et l'étalonnage inacceptable . Le film est retiré de la compétition !
Ensuite, c'est au théâtre, à Londres, que Welles "créera" le personnage d'Othello, tout en supervisant le doublage final du film, où il choisira de faire doubler entièrement Suzanne Cloutier par sa Desdémone de la scène londonienne, Gudrun Ure !
Au festival de Cannes 1952, le film est enfin montré dans sa version définitive, sous pavillon marocain (!) et remporte la Palme d'Or.
Et ce qui est magique, c'est que malgré tout ça,  le film est maîtrisé de bout en bout. Fonctionnant au plan bref, au faux raccord, au doublage approximatif ( il doubla lui-meme plusieurs comédiens !), Welles affirme une liberté de filmer absolue au service d'un théme récurrent dans son oeuvre  : plus que celle d'Othello et Desdémone, c'est la tragédie de Iago, agent du chaos, que le film , monté en flash-back, raconte.
Welles nous laissera également un précieux document, Filming Othello, où il raconte lui-même les péripéties du tournage, et l'intime connexion de ces péripéties avec l'histoire racontée.
Rien à ajouter, maintenant, il faut regarder.


Extrait :

A plus !

Fred.

Source principale : "Les Labyrinthes d'Othello", article de Jean-Pierre Berthomé, Positif n°449/450, été 1998.
 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire