dimanche 23 mars 2014

CINEMA DE MINUIT - UN HOMMAGE QUI FAIT TOUSSER...

Bonjour les amis !

Ce soir , et dimanche prochain, 30 Mars, à 00 H 00, sur France 3  : Smoking puis No Smoking (1993) d' Alain Resnais...



Plus de 20 jours après la disparition du cinéaste, France 3 consent à bouleverser ses programmes pour diffuser le fameux diptyque du cinéaste . Voilà un hommage qui aurait du passer inaperçu , c'était sans doute le but, et qui ne le fut pas , par la grâce d'un tweet rageur de monsieur Gilles Jacob, président historique du Festival de Cannes.
«Si c'est vrai que France TV n'entend honorer Alain Resnais qu'après minuit, le service public n'a pas lieu d'être fier».
 «La TV publique est-elle devenue un monstre froid, incapable d'élan, d'émotion, de changement de programme? Ce n'est pas digne."
S'ensuivit une polémique digne d'une émission de Ruquier, divisant les puristes et les cyniques ( "Mais , Resnais, tout le monde s'en fout !")
Personnellement, je me mettrais volontiers du côté des puristes , mais la lucidité m'oblige à admettre que cela fait belle lurette que les cyniques ont gagné . Pourquoi ?
- La sacro-sainte course à l'Audimat. Cela fait vingt ans et plus que France Télévisions bave devant les succès de TF1. Fictions, info, divertissement, le concours de la plus grosse audience est l'obsession des directeurs de chaîne. Et l'interruption de la pub après vingt heures n'y a rien changé. Certes, De Carolis, puis Pfimlin ont aimé à se vanter des "missions de service public" qu'ils assurent si bien. Mais tout cela sent lourdement, très lourdement le cahier des charges. L'obligation. La figure imposée. France Télévisions ne programme des films difficiles que très tard le soir, et rarement. Et si Depardieu venait à mourir, ils rediffuseraient plus facilement Inspecteur La Bavure que Police. Et sans complexes. Pourquoi ? Parce que la culture, c'est segmentant , comprenez on perd le public des cons. France Télé bouleversera ses programmes pour du sport, de l'info , mais jamais pour de la culture. Trop risqué. Ou alors tard. Faut dire qu'en plus  il y a un filet de sécurité.
- Parce qu'il y a Arte. La chaîne franco-allemande, bonne élève de la culture à la télé . La preuve : deux jours après la mort de Resnais, elle diffusait Mon Oncle d'Amérique, suivi de Mélo. Pas les oeuvres les plus faciles du maître. Joli. Audacieux. On sent l'hommage sincère.  C'est triste à dire, mais depuis sa création, ilil y a plus de vingt ans, Arte sert d'alibi aux autres chaînes publiques pour ne plus programmer d'oeuvres difficiles. Et presque plus d'oeuvres de patrimoine. Je connais des gens qui ne regardent jamais Arte, par principe, parce que c'est "chiant"  et qui , donc, ne verront jamais un film de Resnais, par surprise. Le vrai scandale, il est là. Dans cette ghettoïsation de la culture. On ne pourra jamais forcer les gens à se cultiver, mais le moindre des choses est de leur faciliter l'accès à la culture. Si France Télé avait été honnête avec elle-même, elle n'aurait programmé aucun hommage à Resnais, ou alors, elle aurait fait preuve d'un peu de mémoire, et diffusé, en prime time, un de ses succès en salle, facile d'accès : le fameux On Connaît la Chanson (1997)... Si ça se trouve, ils auraient même fait une bonne audience...


Voilà  pour la polémique . Maintenant, parlons du film.
Cela a été beaucoup repris par les journalistes : Resnais se décrivait comme un farceur. Je dirais même que c'était un joueur. Il n'aimait rien tant que de se fixer des défis en portant à l'écran des matériaux insensés : du Duras, du Bernstein, des opérettes désuettes, ou encore les travaux scientifiques d'Henri Laborit ! Et à chaque fois, il en tirait un résultat vivant, sensible, inédit. A chaque fois... ou presque. En 1989, il essuie un échec en s'acoquinant avec un auteur de BD, Jules Feiffer, pour I Want To Go Home, qui mêle images filmées et dessinées.


Le film est un désastre public et critique. Son plus gros flop.
Il reste alors quelques temps sans tourner , puis tombe sur une pièce d'Alan Ayckbourn, Intimate Exchanges, dont le principe l'amuse : une histoire commence entre plusieurs couples, puis, au moment d'un choix, d'une réponse, d'un départ ou d'un engagement, toutes les options sont montrées : Que se serait-il passé si... Le joueur reprend le dessus et décide d'épurer le dispositif théâtral : il n'y aura plus qu'un couple, et il y aura deux films , pour exploiter au maximum toutes les options imaginables . Et tout commence par une cigarette, d'où le titre...

Reste à trouver deux adaptateurs, Resnais ne scénarisant jamais ses films : il décide de faire appel à un jeune couple d'auteurs-comédiens : Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui...


Ces deux-là viennent de se faire connaître en écrivant et jouant une pièce à succès, devenue un film à succès : Cuisine et Dépendances (1992) : 





Resnais choisit ses deux acteurs dans sa famille : sa compagne Sabine Azéma et le fidèle Pierre Arditi. Dans des décors de carton-pâte, ceux-ci exploitent toutes les situations, explorent tous les registres de jeu, confrontent tous les destins, aidés par le brio du dialogue ( le film est bavard !) et de la mise en scène. 
Le film est un succès public , qui relance la carrière de son réalisateur, et qui prouve aux pisse-froid, aux faiseurs de généralités, et aux patrons de chaîne, que Resnais était tout sauf un metteur en scène chiant et prétentieux. Il faisait partie de la catégorie des malicieux. Il y en a de moins en moins. Et ça nous manque.



 A plus !
Et votez bien !

Fred.

 

 

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