dimanche 22 septembre 2013

CINEMA DE MINUIT - ALERTE ROUGE...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 10, sur F3 : " L'Enfer de la Corruption" (1948) D'Abraham Polonsky...

Petit rappel : Le Maccarthysme est une des périodes les plus noires de l'Histoire Américaine .De 1947 à 1954, la Commission des Activités Anti-Américaines traque sans relâche les "rouges" ( et plus largement, les "libéraux") présents dans l'administration américaine... et dans les milieux culturels. Une "Liste Noire" est  alors mise en place pour écarter d'office les principaux suspects. Elle reste en vigueur  jusqu'au milieu des années 60...
L'Histoire a retenu , parmi les principaux blacklistés , les cinéastes Jules Dassin, Joseph Losey et John Berry. Elle en a oublié de nombreux autres dont... Abraham Polonsky et John Garfield , respectivement réalisateur et acteur principal du pur chef d'oeuvre diffusé ce soir.

 
( Polonsky, interrogé en 1951 par la Commission...)

Polonsky était un pur marxiste, membre du Parti Communiste Américain depuis les années 30. Ecrivain, il ne se met au service du cinéma qu'après la seconde guerre mondiale, en tant que scénariste. Et il démarre par  un coup de maître, puisqu'il signe le scénario du superbe Sang et Or (1947) de Robert Rossen, un des plus beaux films sur la boxe, avec... John Garfield !


John Garfield, lui , est un "libéral", un progressiste, très attaché aux libertés individuelles. Fils d'ouvrier, il connait la maison de correction avant d'être "sauvé" par le théâtre, où il  gagne ses galons d'acteur à Broadway,  Il snobe d'ailleurs assez longtemps le cinéma avant de signer un contrat, en 38, avec la Warner, qui lui fait tourner son premier grand succès, Je Suis un Evadé (1939), de Busby Berkeley, où la modernité de son jeu surprend :


Au moment de l'engagement des Etats-Unis, il est réformé pour faiblesse cardiaque, une maladie chronique qu'il traîne depuis l'enfance. Il rejoint alors le Mouvement Anti-Nazi d'Hollywood ( ce qui lui sera reproché plus tard !)  Les rapports s'enveniment entre lui et la Warner : il reprend sa liberté pour aller tourner Sang et Or , puis L'Enfer de la Corruption, deux productions indépendantes.
Les deux bonshommes commençant déjà à être un peu sulfureux, le film est fort mal distribué ( volontairement ?) par la MGM, et connaît l'échec, alors même qu'en Grande-Bretagne, où il sort parallèllement , les critiques crient au génie. Ils ont raison.
Polonsky n'y va pas par quatre chemins . Dans le film, l'avocat ambitieux d'un truand décide de "fédérer" la pègre new-yorkaise  en piégeant pour cela ... son jeune frère ! Dégoûté de ce qu'il est devenu et de ce que la Société l'a contraint à faire pour réussir, il finit par se retourner contre ses maîtres. 
Comme l'écrivit très justement Martin Scorsese, l'un des grands admirateurs du film, qui le fit restaurer il y a quelques années : C'est la violence du système qui devient le sujet, plus que la violence individuelle*.
C'est en fait un des films les plus politiques de ces années-là, stylisé à l'extrême par des dialogues acérés et tenu brillamment par un Garfield qui porte en lui tous les cas de conscience de l'humanité. Une vraie bombe. Les maccarthystes ne s'y sont pas trompés.
L'échec du film n'est que le début des ennuis pour l'un et l'autre. Polonsky est de suite mis à l'écart. Qualifié de très dangereux citoyen par un Congressiste Américain, il doit  travailler pendant vingt ans sous pseudo avant de pouvoir toucher à nouveau officiellement une caméra et de tourner le superbe western pro-indien Willie Boy (1969) : 


Jusqu'à sa mort, en 1990, il ne reniera jamais ses convictions marxistes...

Quand à Garfield, il ne tourne plus alors que des Séries B, et fait un dernier bras d'honneur à ses ennemis en tournant, en 1951,  Menace dans la Nuit, réalisé par le blacklisté John Berry et scénarisé par le blacklisté Dalton Trumbo...


Epuisé par les diffamations et les poursuites, il meurt dans son lit le 21 Mai 1952 d'une crise cardiaque. A 39 ans.

Extrait du film de ce soir :



A plus.
Fred.


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